Donc, voici le portrait.
Precisions : ce portrait est un element d'un dossier plus important.
Il n'a pas ete ecrit dans l'optique d'etre publie isolement.
Soit il sera un paragraphe dans un article plus long,
soit il fera l'objet d'un encart.
Voici quelque elements que vous sauriez si vous aviez lu
ce portrait au sein d'un dossier :
- Hassan el-Tourabi est le
chef d'orchestre de la chute
du gouvernement democratique soudanais en 1989
et de la prise de pouvoir des islamistes.
- Il s'agit d'un islamiste actif, autrefois lie avec el-Qaida
(et pas qu'un peu).
- Il a ete
mis au placard il y a deux ans, car il devenait
tres encombrant pour le gouvernement.
- Le Soudan est un pays grand comme le quart des Etats-Unis,
et la guerre y a fait plus d'un million de victimes. C'est un
exportateur de petrole depuis 1999.
- Le gouvernement islamiste est en guerre
contre une coalition
rebelle dont la composante principale est le SPLA (
Sudan's People
Liberation Army), dirige par le
Colonel John Garang, un Noir
du sud.
- Le gouvernement et le SPLA negocient actuellement la paix,
sur la base d'un texte appele "
Protocole de Machakos", signe
cet ete (2002).
NB : je rajoute, en prime, la conclusion de tout l'article
dont le portrait fait partie. La conclusion peut paraitre
"cul-cul-la-praline", mais, replacee dans le cadre du processus de paix
soudanais, elle prend tout son sens. Je ne la
rajoute que parce qu'elle apporte une note significative
au "cas Tourabi", dans le cadre de son portrait.
--------------------------- DEBUT DE CITATION ----------------------------
Le point d'interrogation Tourabi.
Et il y a aussi Tourabi, l'homme qui rend tout plus compliqué. "
Hassan el-Tourabi n'est pas seulement l'homme le plus intelligent
que j'aie jamais rencontré. Il est l'homme le plus intelligent du monde ", affirme un opposant qui le connaît personnellement.
Tourabi, la bête noire des Américains, l'éminence grise du régime islamique, la bouée d'el-Qaida au Soudan. Agé de 71 ans,
il a reçu une éducation islamique traditionnelle dans sa ville natale du Soudan oriental, avant d'obtenir un diplôme de droit
à l'université de Khartoum en 1955, puis un mastère à Londres deux ans plus tard, et enfin un doctorat à la Sorbonne.
Il parle couramment français et anglais, et comprend l'allemand. Fondateur du National Islamic Front, qui a porté au pouvoir
l'actuel dictateur, il est également le créateur des Popular Defense Forces, les milices para-militaires sur lesquelles le régime
s'est longtemps appuyé militairement. Prolifique, il est également le père de l'Arab Islamic Congress, une internationale islamiste
possédant des tentacules dans cinquante-cinq pays, et qui entretient des liens avec nombre de groupes islamistes, dont el-Qaida.
En 1999, Hassan el-Tourabi a tenté sans succès de monter le parlement contre le président, accusant ce dernier d'aller trop loin
dans l'omnipotence. A la suite de cet échec, il a fondé un parti d'opposition, le Popular National Congress (à ne pas confondre avec
le National Congress au pouvoir), et est même allé jusqu'à signer un mémorandum commun avec... le SPLA. Depuis ce coup d'éclat,
il est assigné à résidence. Des rumeurs concernant sa libération imminente ont récemment fait couler beaucoup d'encre,
mais le présidant el-Bashir est formel : "
La libération de Tourabi est prématurée, et elle pourrait prendre du temps ".
Répondant aux critiques du prisonnier, qui l'accuse de pactiser avec l'ennemi, le président rajoute "
qu'il appartient
au seul gouvernement de négocier et de conclure des accords avec l'ennemi [et non à un particulier] ". La procédure de résidence surveillée
a été reconduite pour un an par un décrêt présidentiel, le 18 août, et l'homme a été directement incarcéré dans les derniers jours d'août.
Quelque temps plus tôt, en mai, el-Bashir déclarait au cours d'une interview qu'il était "
exclu qu'il se réconcilie avec Tourabi ".
Le leader du Popular National Congress déroute ses interlocuteurs. Redouté pour ses liens avec des milieux islamistes durs,
il n'en déclare pas moins qu'il "
préfère les démocraties occidentales aux dictatures islamiques ". Mais le curieux animal
ne s'arrête pas là : dans les années soixante-dix, sous couvert d'un pseudonyme, il a écrit un livre qui explique entre autres
que rien dans le Coran n'oblige les femmes à porter le voile, et que rien non plus ne s'oppose aux mariages inter-religieux.
De la part d'un islamiste revendiqué, juriste de surcroît, le propos a de quoi surprendre. Mais Hassan el-Tourabi est un artiste
en mélange des genres. Selon lui, les démocraties actuelles sont ce que le monde a produit de mieux en matière de systèmes de gouvernement,
mais l'instauration d'un système islamique pur, dépouillé de ses compromissions politiques, serait la forme la plus achevée
d'une évolution dont les démocraties ne sont que l'avant-dernière étape : tout un programme. Mais Tourabi est loin d'être réductible
à l'agitateur charismatique que l'on dépeint volontiers : il possède chez lui un morceau de voile ayant autrefois recouvert la Ka'aba,
la pierre sainte de La Mecque. Ce genre de cadeaux ne se fait pas au premier venu, et il est possible que son pouvoir réel
aille plus loin que ses tours de prestidigitation rhétoriques.
Comme on pouvait s'y attendre, le leader islamiste n'est pas le dernier à donner de la voix au sujet des négociations en cours.
Estimant que
" le gouvernement et le SPLA ne négocient que sous la pression des Etats-Unis ", il redoute que Machakos ne débouche
sur une scission du Soudan, et regrette de n'avoir pas mené lui-même les négociations, dont il pense qu'il aurait pu
tirer de meilleurs accords.
Hassan el-Tourabi est de loin le personnage le plus encombrant du "
continent soudanais ". Même les Etats-Unis s'en méfient,
et le général el-Bashir le craint. L'étendue réelle de ses moyens d'actions reste un inépuisable sujet de débat parmi les Soudanais.
Quel contrôle garde-t-il encore sur les Popular Defense Forces ? De quel levier réel dispose-t-il avec le Popular National Congress ?
Quels liens a-t-il avec le SPLA, avec les organisations islamistes ? Jusqu'à quel point son conflit avec l'homme fort du régime
ne recouvre-t-il pas des accointances moins avouables ? Est-il un vieillard fini qui joue encore de ses ficelles pour conserver
ce qu'il peut de sa position, ou au contraire l'une des clés que l'arène politique soudanaise ne doit pas oublier ?
Une seule chose est certaine : Tourabi reste un point d'interrogation.
Le diable niche dans les détails.
Car au Soudan, tout n'est pas blanc ou noir. En effet, Tourabi est marié avec Wisal el-Mahdi, une soeur de Sadeq el-Mahdi,
l'ancien premier ministre qu'il a renversé, et dont il dit que
" s'il rentre au Soudan, il devra être jugé pour trahison ".
Sadeq el-Mahdi, dont le propre cousin, Moubarak el-Fadil el-Mahdi, a fait sécession de son parti, le parti Umma, pour rentrer dans le gouvernement de Bashir.
Comme dit John Garang, "
le diable niche dans les détails ".
--------------------------- FIN DE CITATION -------------------------------
Vos critiques sont les bienvenues !!!!
Merci a tous !
Pierre-Antoine Briandet.