alain67 : "il arrive aussi que le correcteur ait oublié des fautes"...
Vous mettez le doigt sur l'une des différences de taille entre nos deux métiers, qui, pourtant, DOIVENT concourir à la réalisation d'un seul et même texte ou ouvrage : le maquettiste possédant bien son métier est en mesure, au moins théoriquement, de délivrer un produit "fini", tandis que la relecture-correction nécessite plusieurs passages, et que seul le planning de fabrication impose, bien souvent, qu'on puisse dire "BPF" ou "BAT" un texte "non fini"..., car le texte parfait n'existe pas : à mon arrivée dans l'équipe de réviseurs de L'Express (milieu des années 80), chaque article était relu QUATRE FOIS par QUATRE réviseurs différents, outre les relectures effectuées par l'auteur lui-même, son chef de rubrique, le directeur de la rédaction parfois ! Certes, c'était le nec plus ultra, mais, à l'inverse, je ne crois pas qu'on puisse tabler sur UNE seule relecture de correcteur, fût-il hautement professionnel, pour assurer réellement une bonne qualité.
Ne serait-ce que parce que, après le passage de l'auteur, pour valider les corrections, pour répondre aux questions laissées en suspens, pour accepter ou refuser certaines suggestions, et pour faire d'ultimes modifications qu'il pourrait vouloir ajouter – eh bien, après tout ça, la plupart du temps, une deuxième relecture sur le fond est indispensable et peut nécessiter encore pas mal de corrections de grande ampleur, appelant une modification de la mise en page, un traitement différent de la typographie, etc.
Outre que l'on n'est jamais assuré, quand on intervient dans l'édition "en premières" (donc, aujourd'hui, déjà en pdf, souvent), que la prépa de copie (sous Word) ait été réalisée par quelqu'un du métier et soit "donc"... bonne et fiable – et n'engendre pas, "donc", pour le correcteur en premières, une abominable prise de tête pour arriver à combler ce qui n'aura pas été géré en prépa... (unification défaillante, contradictions et incohérences dans le propos, choix typographiques décousus, etc.).
Pour ma part, lorsque je travaillais encore intensivement pour l'édition, j'avais obtenu... que mes éditeurs me redonnent "mes" premières, soit les premières de ce que j'avais moi-même vu en préparation de copie – afin de m'épargner la prise de tête... En prépa, je travaillais, ainsi, "pour moi", future correctrice en premières, et, en premières, je profitais du travail que J'avais abattu en prépa... On n'est jamais mieux servi que par soi-même !
Mais cela reste rare, dans la pratique habituelle, je crois.
Ce qui pose le problème de la relecture en pdf dès le deuxième passage en correction, qui oblige le correcteur "exigeant" (ce qui devrait, dans notre profession, être un pléonasme) à se tirer une balle dans le pied, en acceptant de ne plus corriger que "a minima", sous peine de flanquer par terre le travail du maquettiste et de se retrouver voué aux gémonies par l'éditeur...
Car, contrairement à ce que vous semblez supposer, porter des corrections dans des bulles, dans un fichier pdf, non seulement implique qu'on en fasse le moins possible, mais engendre aussi bien plus de risques que les corrections restant à venir soient mal effectuées, quand elles sont accompagnées d'une "'explication" marginale, qui peut parfois être un peu longue ou complexe, rendant la correction à faire "SI"... ou à ne pas faire "SI... NE PAS", pour parler le langage Excel...
En réalité, au final, corriger dans un pdf revient quasi à mettre notre métier sur la touche, ou... pas loin. Le correcteur est ainsi transformé en "femme de ménage du texte", pour reprendre une expression en vogue durant mes années en presse hebdo... Soit : ce qui nous était demandé de faire EN DERNIER RESSORT, au bout de 3-4 relectures minutieuses, nous devons le faire après UNE seule lecture... sous Word, faite éventuellement par un autre que nous.
Passé cette première relecture approfondie, qui s'apparente à une "préparation de copie" (à ne pas confondre avec la préparation "technique" de la copie), ce n'est plus de la "relecture-correction", c'est... du ménage : on ne fait plus que chasser la coquille ou la faute d'orthographe... Ce que font et feront de mieux en mieux les logiciels de correction.
Moralité : plus la profession acceptera de travailler directement dans des pdf, plus elle sciera la branche sur laquelle elle est assise, alors même que nos sociétés modernes n'ont encore jamais dû autant lire que depuis qu'il y a Internet ! Ce qui, logiquement, devrait faire s'accroître la demande en relecture-correction !
Et, accessoirement, aussi : à une époque où, depuis plusieurs décennies, notre école et nos décideurs ont misé de plus en plus sur le "tout-visuel", c'est la langue, le texte et la compréhension de l'écrit qu'on saborde, petit à petit, mais sûrement, lorsque la maquette et la mise en pages s'imposent au texte, plutôt que de le servir.
Eternel problème

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