cargo06 a écrit : ↑02 avr. 2018, 14:46
il me semble que quand l'éditeur nous confie la relecture-correction d'un texte (d'une épreuve) sous format .pdf, il est implicite qu'il souhaite que nous n'intervenions pas directement sur la maquette, ce qui me semble normal.
Je n'invente quand même rien !
Mais moi non plus, puisque nous sommes, en réalité, d'accord sur le constat : une fois le texte donné en pdf, il est "implicite", comme dit Cargo06, que nous ne devons plus intervenir directement DANS le texte, mais que nous devons "demander" nos corrections dans des bulles. J'ajoute pour ma part qu'
il est alors également "implicite" que nous ne demandions plus qu'un nombre restreint de corrections, soit : les corrections réellement indispensables. Pour trois raisons au moins :
1/ toute correction que NOUS ne saisissons pas nous-même dans le texte devra être faite par la personne qui fait le travail du "corrigeur" et peut donc donner lieu à de nouvelles fautes de saisie, alors que la sortie suivante ne sera pas forcément resoumise au lecteur-correcteur pour validation,
2/ le texte étant mis en page(s) et "à la longueur", toute nouvelle correction peut faire varier la longueur, et, avec elle, la mise en pages initiale – en créant divers problèmes multiples, en fonction du type d'écrit : lignes chassées en tourne qui se retrouveront en ligne creuse orpheline au haut de la page suivante, illustration ou encadré en regard qu'il faudra déplacer éventuellement, signature de l'auteur de l'article qui disparaitra au bas du texte, ce qui nécessitera une nouvelle coupe dans le texte pour la faire réapparaître, etc. : vous connaissez mieux le problème que moi.
3/ toute correction "ajoutée" représente un coût supplémentaire pour l 'éditeur...
DONC, FORCÉMENT :
la qualité de la relecture n'y est plus. Car, de fait : la seule relecture-correction approfondie ne peut plus être faite qu'au niveau de la préparation de copie, sous Word, qui sert donc en même temps de "prépa" et de "premières".
ET, PARTANT : comme, en pdf, le lecteur-correcteur ne peut plus faire, de facto, que de la correction "basique",
1/ il est alors payé pour un travail basique : on lui demandera une vitesse de lecture bien plus grande que ce qui devrait être – normal, puisque, à partir du PDF, le texte est réputé "bon" !
2/ il est... ou sera bientôt remplaçable par un bon logiciel.
Ça, c'est l'esprit de la lettre... ou l'"implicite", second volet, que tout le monde s'applique à ne pas voir. Alors même que, pourtant, la qualité de nombre de livres publiés ces dernières années laisse pantois le lecteur un brin exigeant... C'est comme ça qu'on "éduque" un nouveau lectorat qui, lui, finira par s'habituer au manque de qualité... et à comprendre "ce qu'il faut comprendre" – ou ce qu'il a envie de comprendre –, même quand ce n'est pas ce qui est écrit. La porte ouverte, donc, à toutes les manipulations et propagandes.
Si le sujet vous intéresse, je vous recommande vivement, par exemple, de lire le livre d'Ingrid Riocreux
La Langue des médias, lui-même, hélas, pas dépourvu parfois de phrases assez bancales rendant la lecture éventuellement ardue, quoiqu'elle soit une linguiste chevronnée.
(Le lecteur-correcteur, lui, n'est pas qu'un "correcteur" de fautes ou d'erreurs, c'est aussi un "facilitateur" de la lecture !)
Ilola a écrit : ↑25 avr. 2018, 00:41
l'éditeur qui le dispatche vers les correcteurs, quand il y en a, et vers le maquettiste
Ça n'existe pas. L'éditeur envoie le texte au correcteur et ensuite (pas et : ensuite) au
maquettiste, qui compose le texte corrigé.
Pour avoir travaillé 22 ans à la Révision de L'Express, dont 5 ans en tant que chef de service, je peux vous assurer, moi, que "ça existe", bien sûr ! Que font, selon vous, les maquettistes d'un hebdo pendant que les réviseurs planchent sur les articles qu'on dépose dans leurs corbeilles : ils vont à la pêche ??? Bien sûr que sont dispatchés en même temps aux réviseurs ET aux maquettistes les mêmes papiers, donc
pas "définitifs", avec lesquels les maquettistes commencent tout de même à travailler sur leur mise en page !!! Sinon, impossible de sortir le journal à l'heure.
Tout le monde, là, travaille non pas "l'un après l'autre", mais simultanément, et le maquettiste fait avec ce qu'on lui donne au fur et à mesure qu'il le reçoit : texte brut, infographie, iconographie, puis texte validé, titraille, etc., il s'y met dès le début de la réalisation du journal au fil de ce qu'on lui fournit, et n'attend pas que tout soit "définitif" pour s'y mettre !
C'est tout de même bien, aussi, l'intérêt du numérique de permettre de calculer au plus juste l'encombrement du texte et de pouvoir travailler autour, dans l'attente du texte validé : la maquette travaille à la mise en page SANS le texte validé, PENDANT QUE, par ailleurs, les articles font des allers-retours autant de fois que nécessaire entre réviseurs et rédaction de plume (auteur, chef de rubrique, secrétariat de rédaction, direction de la rédaction), jusqu'à ce que la révision donne le BPF. Même si, aujourd'hui, il n'y a plus de service révision proprement dit, il y a toujours des secrétaires de rédaction qui font le boulot de révision (supposément, en tout cas), PENDANT QUE les maquettistes planchent déjà sur les pages montées en "maquette" (=
"projet" de ce qui va être à la fin une page montée.
Si vous retirez l'idée de "projet", alors...vous en êtes à la
"réalisation" de la page montée, ce n'est plus à proprement parler une "maquette", pour moi, en tout cas. Donc, en tant que lectrice-correctrice "pro", je vérifie, et voici au passage
ce que donne Larousse, pour le mot "maquette" : "Projet plus ou moins poussé pour la conception graphique d'un imprimé.")
Ce n'est pas (encore) le cas dans l'édition, dites-vous, et je vous crois volontiers, bien sûr, encore que je doute que, s'agissant d'un livre au contenu technique ou documentaire, avec force illustrations, graphiques, schémas, etc., le maquettiste attende que le texte soit validé et réputé "définitif" pour commencer à bosser, mais, là, c'est votre métier et je m'abstiendrai donc d'avoir un avis... comme vous semblez en avoir de bien arrêtés sur le métier du lecteur-correcteur – et... sur le sens des mots.
Car, quand vous écrivez que le maquettiste
"compose le texte corrigé", je suppose que vous voulez dire qu'il "compose"... ses pages et
enrichit le texte corrigé ?
Enfin, j'espère qu'aucun maquettiste ne recompose de ses petites mains l'ensemble du texte

.
par alain67 » Hier, 14:25
Enfin, pour être plus précis : rien n'empêche de faire autant de premières lectures et corrections qu'on veut, avec discussion entre l'auteur, le correcteur et l'éditeur. Sur un texte déjà saisi, s'entend. Mais quand le texte part en maquette, il est réputé être relu, réécrit s'il y a lieu, corrigé en tout cas. Définitif ou presque. Et validé par l'auteur ou par l'éditeur — surtout par l'éditeur, en fait : c'est lui qui paye, pas l'auteur.
Vous trouvez ça "précis", vous, de continuer à nommer "premières" ce qu'on lit en deuxième ou troisième lecture ? Comme vous voyez ici, on peut faire dire aux mots ce que l'on veut, et le lecteur lira, donc, sous la plume d'un professionnel aguerri "qui sait de quoi il parle" – donc fiable – que lire en seconde lecture peut s'appeler "premières", sans douter le moins du monde...
C'est pourtant ce qu'on appelle vouloir faire prendre au lecteur des vessies pour des lanternes !
Piège dans lequel l'auteur que vous êtes tombe lui-même ensuite, en argumentant, donc, avec une logique très personnelle : après
plusieurs lectures "en premières", le texte doit être dit "presque définitif"...
Un éditeur, lui, toujours soucieux de limiter ses coûts, raccourcira la chose : "Une lecture en première, et hop, c'est bon !"
Rien n'empêche, c'est vrai, qu'on torde le cou au sens des mots, mais RIEN n'empêche NON PLUS de considérer que "une
première", c'est quand... on relit le texte
une première fois, et une
"seconde", c'est quand on relit le texte pour la
deuxième fois (restons optimiste : une troisième lecture et plus s'il le faut devraient pouvoir s'envisager !), mais, là, c'est selon la bosse des maths qu'on a ou pas et l'esprit logique qu'on a ou pas : pour moi, une seconde relecture ne peut tout simplement plus se nommer une "première", voyez-vous !
Qu'on la fasse sur un fichier Word ou sur un fichier PDF ne modifie pas le sens des mots.
C'est toute l'ambiguïté de la discussion qui nous "oppose" ici. Pour vous, maquettiste, vous entérinez le vocabulaire qui, de facto, laisse entendre qu'un texte n'aurait besoin d'être relu-corrigé qu'en une seule lecture – donc, "en première"...
Raison qui pousse donc un éditeur d'aujourd'hui à le faire mettre en page dès la "seconde" !
Un texte réputé "définitif ou presque" est, pour un lecteur-correcteur, un "Bon après"... Rien de plus, rien de moins.
OR... nous savons aussi que, l'auteur d'aujourd'hui saisissant son texte lui-même,
la supposée "première" lecture est bien souvent, en réalité, une "préparation de copie" qui ne dit pas son nom, vu qu'il n'y a eu aucune "préparation" de copie AVANT la saisie par l'auteur.
Tout y est donc à faire, pour le lecteur-correcteur.
Ce qui, de facto, revient à dire que, en réalité, l'auteur donne à l'éditeur une
copie numérisée NON préparée, et qui demeure ce qu'on appelait avant un "manuscrit", fût-il tapé sur une machine à écrire ou sur un ordinateur. Seul l'outil a évolué, pas... les auteurs, sauf souvent en pis – et c'est bien l'un des termes du paradoxe d'aujourd'hui : bien des gens qui "écrivent" aujourd'hui ne maîtrisent plus l'orthographe, la grammaire et le sens des mots qu'ils emploient aussi bien que ceux d'hier.
Le lecteur-correcteur va faire, donc, sur cette "première" sortie d'ordinateur, généralement sous Word, une "première" lecture qui sera l'équivalent de la préparation de copie... où il doit voir et régler un maximum de choses, mais... il en laissera fatalement pas mal aussi, car il n'est pas parfait et doit, à ce niveau-là d'intervention : appliquer la marche typo et unifier, faire les vérifications qui s'imposent ET même celles qui ne s'imposent pas, mais peuvent réserver des surprises quand même, corriger orthographe, grammaire, syntaxe, redondances, répétitions, phrases incohérentes, contradiction du propos au fil de l'ouvrage, éventuellement agir sur le style avec un peu ou beaucoup de réécriture, indiquer ou rectifier les graisses, les blancs, vérifier l'échelle des titres, sous-titres, intertitres, etc., vérifier la concordance des appels et rappels de notes, vérifier la concordance entre texte, tableaux, schémas, etc., bref : un travail de Titan, souvent infaisable en une seule lecture.
C'est faisable parfois sur un contenu purement littéraire lorsque la "copie" est bonne au départ, mais, pour un roman historique bien dense et touffu accumulant les noms propres, dates et références culturelles, un ouvrage de vulgarisation scientifique, de psychanalyse ou un pavé sur la Seconde Guerre mondiale entrelardé de mots allemands et de sources bibliographiques pointues – domaines éditoriaux dans lesquels j'ai moi-même beaucoup donné –, faire un boulot "définitif ou presque" en cette seule préparation de copie rebaptisée "première" est quasi impossible.
Raison pour laquelle je considère comme inepte de redonner ensuite au lecteur-correcteur qui suivra une supposée "seconde" en PDF, où, déjà, il ne devra plus faire que les corrections indispensables – payé pour cela, bien sûr : le strict minimum. Inutile de dire que, là, il ne passera plus beaucoup de temps à sonder la cohérence du propos – ce n'est plus de mise –, et ce qui n'aura pas été unifié restera non unifié, fort probablement, si cela doit engendrer de nombreuses corrections. Quant au style, à la syntaxe ou à la grammaire, on "fera avec" le plus possible, pour ne pas devoir demander de remaniements trop importants.
Comme vous l'écrivez, du reste, en seconde "pdf", on lui demande
surtout de vérifier la mise en pages et l'enrichissement typo, les blancs, les graisses, les coupures en bout de ligne, les tournes, les appels et rappels de notes, etc. Bref : tout ce qui peut avoir bougé
du fait de la mise en pages.
Soit, en réalité : un texte n'est plus relu-corrigé de manière approfondie qu'
une seule fois, en préparation de copie effectuée sur une première sortie Word directement en provenance de l'auteur, où il faut "tout voir", et, ensuite, vogue la galère. Avec une "prépa de copie" qui, elle, est payée
au tarif "lecture en premières" !
Cherchez l'erreur. Les correcteurs d'édition d'aujourd'hui ne gagnent plus leur vie, et la raison est simple : à force de devoir accepter de travailler de manière toujours plus "basique", ils ont, au fil du temps,
renforcé leur image de quasi-inutiles – on sait que, de toute façon, ç'a toujours été une tendance forte chez les éditeurs.
Or l'argument que vous utilisez n'est pas innocent :
chaque correction, à partir du PDF, coûte un supplément de dépense à l'éditeur ! Un enfant comprendrait, là, que, DONC..., nous sommes priés de trouver le moins possible de choses à corriger en PDF... Raison pour laquelle un éditeur près de ses sous, et pas trop regardant sur la qualité rédactionnelle, fera mettre au plus tôt en pages, car, ainsi, il freine l'ardeur des lecteurs-correcteurs, obligés de se plier à la raison économique s'ils veulent continuer à bosser.
ALORS QUE... la production d'écrit augmente, ALORS QUE le niveau global en français, expression écrite, rigueur et compétences intellectuelles diminue, ce qui, en toute bonne logique "saine", devrait RENFORCER, au contraire, le recours au lecteur-correcteur !
Un "lecteur-correcteur" qui, suivant l'évolution des techniques autant que suivant l'évolution du niveau scolaire et universitaire, devra très probablement, selon MON avis personnel que nul n'est obligé de partager, de plus en plus mettre l'accent sur la "lecture critique", donc s'attacher au fond
principalement et à la syntaxe pourvoyeuse de sens et de nuances, quand les logiciels de correction, toujours plus perfectionnés, seront bientôt à même d'assurer la qualité nécessaire sur le plan de l'orthographe et de la grammaire élémentaire, voire sans doute assurer le travail de vérification pour une bonne part.
Anecdote, pour finir : Magnard a-t-il fait appel à suffisamment d'heures de "relecture-correction" approfondie pour sortir, je crois, en 2015 un manuel dit "de français", destiné, si ma mémoire est bonne, à des classes de 4e (sic), où on pouvait lire in extenso la conjugaison du verbe "voir" au passé simple :
"Je vus, tu vus, il vut, nous vûmes, vous vûtes, ils vurent" ?
L'éditeur s'est d'abord défendu sur le mode : "Nous corrigerons la
coquille [sic !] lors de la réimpression", puis, tout de même, sous la pression des quolibets médiatiques, a accepté de réimprimer sans attendre que les stocks soient écoulés.
Je vous laisse juge de ce qu'un tel état d'esprit peut donner, en termes de "qualité", dans l'édition littéraire ou documentaire... et m'arrêterai là dans cette discussion, puisque, en réalité, seul nous sépare le sens que nous attribuons aux mots, finalement ! Et nous restons d'accord sur l'essentiel : ne devrait être envoyé à la maquette pour la
réalisation de la mise en pages qu'un texte "définitif ou presque", c'est en tout cas ce qui justifie le recours au PDF. Encore faut-il savoir à partir de combien de lectures cet état-là peut être escompté – mais ça, c'est entre l'éditeur et le lecteur-correcteur que ça se détermine, en amont du maquettiste.