Aujourd'hui, après avoir allègrement glandouillé sur divers forums au lieu de me lancer à corps perdu dans la recherche d'un emploi qui me permette de renoncer enfin à H&M pour Prada, à la banlieue pour Paris et à Leader Price pour le Lafayette Gourmet, je me sens découragée, démunie et spleenesque. Et je vais vous expliquer pourquoi (je sais que ce sujet n'a pas forcément sa place ici et que je ferais mieux d'ouvrir un blog pour m'y épancher librement...je vais y réfléchir et je promets qu'après ce message, j'arrêterai de balancer mes états d'âme ici et là ! ).
J'ai 28 ans, je vis à Paris depuis 3 ans. Par amour pour la littérature et envers et contre les miens, j'ai entrepris des études de lettres. Que j'ai poussées, jusqu'au Capes et à l'agrégation, faute d'avoir vraiment réfléchi à ce que je voulais faire de ma vie, professionnellement parlant j'entends (pour le reste, ça va très bien, merci -j'aime me promener dans Paris et observer les changements de lumière et l'arrivée du printemps, j'aime boire un bon vin avec des amis, j'aime pogoter sur du Nirvana, en sortant de la douche, ça me rappelle ma folle jeunesse, j’aime essayer des tenues improbables dans les boutiques de l’avenue Montaigne, j’aime regarder le visage de l’être merveilleux qui partage ma vie le matin quand je m’éveille, de manière générale –qu’elle est laide cette expression – j’aime la vie, mes amis, ma famille et même les gens qui s’obstinent à utiliser les strapontins dans le métro pendant les heures de pointe). Mais ne digressons point et revenons à mon sujet : ma « carrière » professionnelle. J’ai malheureusement obtenu mon Capes. Je dis malheureusement, parce je me suis rendue compte, très vite – au bout de 3 heures de cours – qu’aimer la littérature ne signifie pas forcément qu’on a le pouvoir –ni l’envie d’ailleurs –de la faire aimer à des jeunes. J’aurai aimé avoir cette vocation là, mais indéniablement, je ne l’ai pas. J’ai donc démissionné de l’éducation nationale, au grand dam de mes parents (et généreux sponsors), pour rejoindre mon mari, à Paris, en me disant avec toute ma candeur juvénile (certes, je n’étais déjà plus précisément une adolescente, mais je ne me sentais pas encore adulte car comme le dit si bien mon grand-père, « on est adulte quand on gagne sa vie ») : « A Paris, je trouverai beaucoup plus facilement qu’à Lyon un travail dans la presse / l’édition / la culture ». (oui, je reconnais que j’étais d’une naïveté désarmante mais c’est l’histoire de beaucoup de jeunes frais émoulus de la fac de lettres / d’histoire, et Lucien de Rubempré n’est pas précisément un héros original). Quelques 300 lettres de motivation plus tard, j’étais démotivée et j’ai accepté un poste d’assistante, dans un réseau de librairies. J’y ai travaillé 2 ans. J’ai appris à démonter une photocopieuse, à doser le café pour 10 personnes, à rédiger des procédures, à établir un budget (ce qui n’a pas sauvé mon compte en banque de la faillite mais c’est une autre histoire), à répondre gracieusement au téléphone, à affronter un patron cyclothymique, vindicatif et hargneux qui répétait à longueur de journée « Mais qu’ai-je fait au ciel pour avoir une assistante aussi nulle » (leitmotiv accompagné d’un soupir à fendre l’âme d’un trader, et asséné en public, de préférence, c’est tellement plus marrant). Au bout de deux ans, lassée de ces brimades incessantes, j’ai donc donné ma démission (à ce stade de mon récit, je vous autorise à noter que la démission revient de manière récurrente dans ma vie, mais pas à penser que je suis instable et caractérielle

Je suis depuis, au chômage (non indemnisée donc) et je me morfonds. Ce long exorde pour en arriver à ces quelques interrogations que je voulais partager ici, en vrac, telles qu’elles me viennent à l’esprit et en espérant que certains d’entre vous seront assez charitables pour m’apporter quelques réponses.
- Comment faire pour ne pas céder au découragement lorsqu’on cherche un emploi dans des domaines aussi sinistrés, comment résister à l’envie de se torcher à la San Pellegrino (je suis en période de diète) lorsqu’on voit ce qu’on voit et qu’on entend ce qu’on entend ? J’ai travaillé quelques semaines en tant qu’assistante de la RH d’une grande maison d’édition. Pour chaque poste / stage proposé par cette boîte, nous recevions 200 candidatures…et peu étaient à rejeter dans le lot. J’ai étudié les CV qui me sont passés entre les mains, pour voir. Et j’ai vu, des quantités de candidats, souvent très diplômés, qui avaient enchaîné les stages (2, 3, 4 ans…), les missions courtes, les travaux en free-lance. Des gens souvent brillants, dotés d’une bonne plume et qui avaient bien davantage d’expérience que moi (même des saletés de ptits jeunes de moins de 25 ans –c’est là aussi que je me suis dit « ma vieille, tu as 28 ans et tu es foutue », et j’ai ressenti cette évidence d’autant plus cruellement que la même semaine, une vendeuse de chez Séphora –Dieu la maudisse sur 7 générations- m’avait aimablement suggéré de remplacer ma crème spéciale peaux jeunes pour une crème « premières rides »). La question que je me pose donc, à l’heure actuelle, c’est : comment faire la différence, quand on a pas de formation spécialisée, pas de réseau à harceler quotidiennement (la seule personne que je connaisse qui travaille vaguement dans le milieu du journalisme a été attaché de presse pour André Rieu, c’est dire à quel point mon réseau est béton), qu’on se targue de bien maîtriser la langue de Karen Chéryl et qu’on se rêve journaliste sans jamais avoir écrit un seul article ? Comment avez-vous commencé à écrire des piges ? Comment en déterminez-vous le sujet ? (Choisissez-vous plutôt d’écrire sur des sujets qui vous passionnent, ou sur des sujets « dans l’air du temps » ? ). Avez-vous un travail alimentaire à côté ? Comment résistez-vous à la pression familiale / sociale et aux commentaires du genre « Tu ferais mieux de trouver un vrai boulot » ? Connaissez-vous des moments d’intense solitude, ou vous êtes vous organisé pour maintenir un lien social en écrivant à plusieurs ? Je sais, ça fait beaucoup de questions pour un seul poste, et j’aurai pu vous épargner ce long exposé sur ma vie. Mais mon hamster étant en pension chez ma mère et mes amis en comité de direction / au salon du livre avec leur petite pochette de CV sous le bras, les malheureux ! / en vacances, fallait bien que je trouve des gens à qui poser toutes les questions qui me turlupinent.
Merci d'avoir lu jusqu'au bout (comment ça, y'a plus personne ?!)